Usage des données de santé en France : un potentiel sous-exploité freiné par des blocages structurels (cartographie France Biotech)
Publié le vendredi 21 février 2025 à 15h27
DataAlors que les établissements de santé produisent des données stratégiques pour la recherche et l’innovation médicale, leur accès reste difficile pour les acteurs du secteur : c'est le paradoxe que met en évidence la cartographie de l’usage de la donnée de santé, publiée par France Biotech, après une enquête menée auprès de 155 structures de santé françaises (établissements, entreprises...)
Un écosystème fragmenté
Malgré un patrimoine numérique riche et structuré, les données de santé restent difficilement accessibles, en particulier pour les entreprises innovantes, laboratoires pharmaceutiques et chercheurs. C’est le constat dépeint par la cartographie “Usage de la donnée de santé dans l’écosystème” de France Biotech, qui met en lumière une asymétrie persistante entre les producteurs et les utilisateurs des données. Alors que les établissements de santé produisent l’essentiel des données stratégiques, qu’il s’agisse de données hospitalières, cliniques ou issues des soins courants, les entreprises du numérique en santé et les industriels rencontrent des obstacles réglementaires et administratifs pour y accéder, bien que leurs besoins soient croissants.
D’un autre côté, les organismes publics exploitent largement ces données, principalement pour le pilotage des politiques publiques et la recherche, ce qui renforce le cloisonnement du secteur. Mais en l’absence d’un modèle de collaboration fluide entre producteurs et utilisateurs, l’écosystème français peine à tirer pleinement parti de ce capital informationnel pourtant essentiel aux avancées scientifiques et médicales.
Des usages dominés par la recherche biomédicale et le pilotage des soins :
L’analyse des usages des données de santé en France montre une forte concentration sur la recherche, qui est le premier usage déclaré et qui arrive au premier rang des utilisations par de nombreux acteurs, notamment les établissements de santé (26 %), les biotechs (45 %) et les entreprises du numérique en santé (30,3 %). Dans les établissements de santé, la gestion des soins courants et le pilotage constituent également des usages majeurs.
Si le pilotage politiques publiques (41,6 %) et la recherche (32,6 %) sont des axes stratégiques pour les pouvoirs publics, les acteurs privés cherchent à exploiter ces données pour faciliter l’accès au marché et optimiser les affaires médicales. Les biotechs et laboratoires pharmaceutiques sont particulièrement concernés par ces usages, avec une forte demande pour la recherche et le développement de traitements innovants.

Les données hospitalières, une ressource clé mais sous-exploitée :
Parmi les différentes sources de données de santé, celles issues des hôpitaux sont les plus convoitées et les plus utilisées par les industriels et les chercheurs. Elles arrivent en tête de plusieurs usages, notamment pour l’accès au marché, que ce soit des biotechs, des medtechs ou des entreprises de l’industrie pharmaceutiques, mais aussi pour le pilotage des organismes publics de santé et des établissements de santé. Ces informations, qui permettent d’étudier les parcours de soins, les réponses aux traitements et l’évolution des pathologies, sont essentielles pour le développement de nouvelles thérapies et la personnalisation des soins. Pourtant, leur accès demeure limité en raison de contraintes réglementaires strictes et de lourdeurs administratives qui ralentissent leur exploitation.

Les entreprises du secteur de la medtech et du numérique en santé s’intéressent particulièrement aux données hospitalières pour leurs applications en intelligence artificielle et en télémédecine. L’essor des dispositifs médicaux connectés, combiné aux progrès en imagerie et en biologie computationnelle, ouvre des perspectives inédites pour le suivi des patients et l’optimisation des parcours de soins. Toutefois, les délais d’accès aux données et le manque de standardisation freinent encore leur intégration dans des solutions concrètes.
Décloisonner l’écosystème tout en garantissant un cadre sécurisé
L’étude menée par le groupe d’expertise de France Biotech met en évidence la nécessité de lever les barrières structurelles qui entravent l’exploitation des données de santé en France. Un accès facilité aux données hospitalières, encadré par des normes de protection strictes, permettrait d’accélérer l’innovation tout en assurant la confidentialité des informations médicales. Une meilleure collaboration entre les établissements de santé, les industriels et les chercheurs est indispensable pour maximiser l’impact des données de santé sur l’amélioration des traitements et des soins.
L’harmonisation des processus d’accès aux données au niveau national est une priorité. Aujourd’hui, les disparités entre les différentes instances d’autorisation et les délais trop longs constituent un frein majeur au développement de projets innovants. En parallèle, des investissements massifs dans les infrastructures numériques sont nécessaires pour moderniser les bases de données hospitalières et améliorer leur interopérabilité.
Vers une meilleure intégration des données de santé ?
En mettant en lumière les besoins et les usages des différents acteurs, cette cartographie constitue une première étape vers une meilleure intégration des données de santé dans les processus d’innovation. La capacité de la France à relever ce défi déterminera sa compétitivité future dans le domaine de la santé numérique et de la biotechnologie.