« Mauvaises données en entrée, mauvais soins en sortie » : à HIMSS Europe 25, les spécialistes de la santé des femmes exigent leurs propres données

Publié le lundi 16 juin 2025 à 10h49

Data Femtech

À HIMSS EU 2025, les expertes de la santé numérique ont lancé un appel clair : l’IA ne servira qu’une moitié de l’humanité si elle continue d’être formée sur des données biaisées. De la biobanque de sang menstruel à la certification des algorithmes, une conférence a posé les bases d’une médecine plus représentative, où les données des femmes cessent enfin d’être l’angle mort de l’innovation.

« Des mauvaises données en entrée donnent de mauvais soins en sortie »

Cette formule, prononcée par Karli Büchling, fondatrice de Blake Health, résume l’urgence. Dans un keynote percutant, elle a décrit les conséquences des algorithmes de santé entraînés sur des modèles physiologiques masculins : erreurs de diagnostic, traitements inadaptés, pathologies invisibilisées. Moins de 30 % des jeux de données utilisés pour entraîner les IA en santé intègrent des profils féminins, et seulement 3 % des financements sont alloués à des conditions spécifiques aux femmes. L’inégalité de santé n’est donc pas qu’une question politique : c’est une faille structurelle dans l’ADN de la médecine numérique.

Büchling a plaidé pour une révolution de la donnée via le sang menstruel, qu’elle décrit comme une « biopsie mensuelle » capable d’ouvrir de nouvelles pistes dans la recherche sur l’endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ou encore les cancers gynécologiques. Avec la création de la première bio-banque européenne dédiée au sang menstruel, elle entend produire les jeux de données inclusifs qui manquent cruellement aujourd’hui.

De l’invisibilité à l’action

Thao Nguyen, fondatrice d’Equal Care, a prolongé ce constat : le problème n’est pas seulement un manque de recherche, mais un défaut de visibilité des données sexospécifiques. « Nous n’avons pas seulement un déficit de recherche, nous avons un déficit de visibilité », a-t-elle affirmé. Equal Care certifie aujourd’hui les interventions médicales en fonction de leur prise en compte du sexe et du genre, et les rend visibles, pour les médecins, les patients, mais aussi pour les algorithmes.

Les deux intervenantes ont insisté : l’IA inclusive commence bien avant la programmation. Elle se joue dans la conception même des protocoles de recherche, dans la façon d’intégrer les contraintes de celles et ceux qui ont des responsabilités familiales, ou une biologie cyclique. Les essais cliniques doivent être redessinés pour refléter la réalité des patientes, et non l’ignorer.

Gouvernance, investissement et changement culturel :

Au-delà de la donnée, les débats ont aussi mis en lumière la nécessité de cadres de gouvernance pour garantir la transparence et la responsabilité dans le développement de l’IA en santé. Amanda Leal, experte en politiques publiques en IA santé, a présenté une approche en trois piliers : transparence (des données, de la composition des équipes, des décisions de conception), examen critique (des biais, des arbitrages effectués), et leviers d’action (via la commande publique, le financement ou les exigences des investisseurs).

Sur le plan politique, l’Alliance danoise pour la santé des femmes a montré qu’un engagement transpartisan est possible. Sa cofondatrice, Marianne Lynghøj, a rappelé une réalité politique : « Il faut construire un problème pour que les politiques puissent proposer une solution. » L’Alliance milite aujourd’hui pour la création d’un centre national de recherche sur la santé des femmes, avec financement pérenne à la clé.

Un coût réel à l’exclusion des femmes dans les jeux de données

Cette session qui a eu lieu lors du salon HIMSS Europe 2025 a rappelé que l’absence de données genrées a un coût bien réel. C’est ce qui explique les 50 % de risques supplémentaires de mauvais diagnostic chez les femmes après un infarctus, la sous-évaluation des troubles neurologiques qui les touchent majoritairement, ou encore l’échec d’outils d’IA entraînés sur des données masculines. Le message est clair, comme l’a dit la fondatrice de Blake Health : “le corps féminin n’est pas trop complexe pour la science, ce sont nos systèmes qui sont trop limités pour l’étudier”. Et si l’IA doit structurer les soins de demain, alors des données inclusives, représentatives, sont une condition de base. Pas un bonus.

FermerPlease login

No account yet? Register

membres-icon

Derniers membres

Astrid inscrit il y a 1 mois et 1 semaine
Camille inscrit il y a 1 mois et 1 semaine
Sandrine inscrit il y a 5 mois et 2 semaines
Celine inscrit il y a 8 mois et 4 semaines
Anne MAHEUST inscrit il y a 8 mois et 4 semaines
Guillaume inscrit il y a 9 mois et 3 semaines
Nabil inscrit il y a 1 an
Mayssa inscrit il y a 1 an et 2 mois
events-icon

Événements

Dernier événement en vidéo

Retrouvez les meilleurs moment du RDV 2023 des datatransformeurs.