AI in Healthcare : “Nous devons garantir un accès juste aux données de santé pour que l’IA bénéficie à tous” (E. Sutherland)

Publié le vendredi 14 février 2025 à 13h21

Data IA

"L’IA ne fait pas de discrimination, mais son déploiement peut aggraver les inégalités existantes si nous ne veillons pas à un accès équitable aux données de santé." C’est ce qu’a indiqué Eric Sutherland, économiste senior de la santé à l’OCDE, lors de la session sur les données de santé de l’événement AI in Healthcare, organisé dans le cadre du Sommet sur l’action pour l’IA.

L’IA vue comme une révolution freinée par des obstacles majeurs

Organisé dans le cadre du Sommet sur l’action pour l’IA par le Health Data Hub et la Commission européenne, cet événement a réuni plusieurs experts de la donnée et de l’intelligence artificielle pour débattre des enjeux liés au développement de l’IA en santé en Europe. Emmanuel Bacry, directeur scientifique du Health Data Hub, a modéré une discussion portant sur la manière entre Joni Komulainen (ministère de la Santé de Finlande), Marco Marsella (Commission européenne), David Novillo (OMS), Bakul Patel (Google Health) et Eric Sutherland (OCDE). Les débats ont permis de mettre en lumière un constat central : l’IA appliquée à la santé repose entièrement sur l’accès aux données médicales, mais cet accès reste aujourd’hui entravé par de nombreux obstacles techniques, réglementaires et éthiques.

Le premier défi repose sur la fragmentation des données. Aujourd’hui, les informations médicales des patients sont dispersées entre divers systèmes hospitaliers, infrastructures nationales et bases de données disparates. Cette hétérogénéité complique leur mise en commun et limite les avancées en matière d’intelligence artificielle. Un deuxième obstacle, et non des moindres, concerne la qualité et la standardisation des données. L’absence d’une structure homogène et d’uniformisation des formats de stockage freine le travail des chercheurs et des entreprises technologiques qui développent des modèles IA en santé.

En plus de ces défis techniques, la question de l’accès aux données et de l’équité dans leur exploitation est au cœur des préoccupations. Si seules quelques entreprises privées ou certains pays dominent l’accès aux meilleures bases de données, l’IA en santé pourrait aggraver les inégalités entre les systèmes de soins. De même, les contraintes réglementaires freinent la recherche et le développement d’outils d’IA. L’accès aux bases de données médicales est strictement encadré par le RGPD et d’autres textes européens, ce qui rend difficile un accès harmonisé aux données sur le continent.

Face à ces enjeux, l’Union européenne a initié une réponse ambitieuse avec l’Espace européen des données de santé (EHDS). Officiellement adopté en janvier 2025, ce cadre réglementaire vise à structurer et encadrer le partage des données de santé en Europe.

L’EHDS espérée comme une solution européenne face aux défis de l’IA en santé

Lors de la conférence, Marco Marsella, directeur du Digital EU4Health et de la modernisation des systèmes de santé à la Commission européenne, a insisté sur l’importance de l’EHDS pour permettre une exploitation efficace et éthique des données de santé. L’objectif du règlement est de garantir un accès plus fluide et sécurisé aux données à travers l’Europe, en instaurant un cadre harmonisé qui facilitera la circulation des informations médicales tout en protégeant les droits des patients.

Cependant, la mise en œuvre de l’EHDS ne sera pas immédiate. Il faudra au moins deux ans pour définir les spécifications techniques et bâtir un environnement sécurisé permettant le traitement des données en toute confiance. L’adoption de ce cadre législatif est un premier pas, mais son succès dépendra de la manière dont les États membres mettront en place ces nouvelles règles.

Selon Marsella, l’interopérabilité sera au cœur de cette transformation. Aujourd’hui, les données médicales ne sont pas toujours accessibles d’un pays à l’autre, et même au sein d’un même système national, elles peuvent être éparpillées et difficilement exploitables. L’EHDS vise à remédier à cette situation en introduisant des standards européens, garantissant que les informations médicales puissent être échangées sans barrières techniques. “Nous n’allons pas changer la manière dont les données sont stockées aujourd’hui, mais nous allons fixer des normes communes pour les échanger efficacement”, a-t-il expliqué.

L’enjeu central des données de qualité :

Si l’EHDS promet d’améliorer l’accès aux données de santé, encore faut-il que celles-ci soient exploitables. Joni Komulainen, conseiller au ministère de la Santé et des Affaires Sociales de Finlande, a rappelé que la qualité des données est un facteur déterminant dans le succès de l’IA en santé.

La Finlande est l’un des pays les plus avancés en matière de gestion et d’exploitation des données de santé. Depuis 2019, un cadre législatif rigoureux permet d’utiliser ces informations pour améliorer la recherche et les soins. Pourtant, même dans un pays pionnier comme la Finlande, la structuration des données demeure un défi majeur. L’enregistrement des informations médicales reste en grande partie un processus manuel, mobilisant énormément de ressources humaines.

L’IA pourrait, selon Komulainen, jouer un rôle clé dans l’amélioration de la structuration des données, notamment en automatisant leur collecte et en facilitant leur organisation. Cela permettrait aux chercheurs et aux professionnels de santé de travailler avec des données plus fiables, et surtout, plus rapidement exploitables.

Permettre l’équité dans l’accès aux données :

L’un des points les plus débattus lors de la session concernait le risque de voir l’IA en santé accentuer les inégalités existantes. Eric Sutherland, économiste senior de la santé à l’OCDE, a alerté sur la fracture numérique qui pourrait se creuser entre les pays et les établissements de santé bien dotés et ceux qui disposent de moins de ressources.

Les centres hospitaliers les plus avancés, disposant de vastes bases de données et des moyens techniques nécessaires pour les exploiter, auront un avantage considérable dans le développement des outils d’IA. À l’inverse, les hôpitaux sous-financés risquent d’être exclus de cette transformation numérique, creusant davantage les écarts en matière de qualité des soins et d’innovation.

Sutherland a souligné que “l’IA elle-même ne fait pas de discrimination, mais son déploiement peut aggraver les inégalités existantes si nous ne veillons pas à un accès équitable aux données de santé”. Il est donc crucial que l’EHDS veille à un accès équitable aux bases de données de santé et encourage la mutualisation des ressources à l’échelle européenne.

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